résistance pédagogique (soutien à un enseignant désobéisseur)

Madame L'inspectrice d'académie,

     Je suis retraité de l'éducation nationale depuis un an et demi à peine, ai travaillé à Brest au sein d'une équipe pédagogique pendant plus de trente ans avec les mêmes collègues, ai fini ma carrière à la Réunion ces quatre dernières années, suis membre de L'ICEM depuis 1977. Je viens protester contre cette procédure qui consiste à sanctionner un enseignant (que je connais bien par ailleurs pour avoir fait de la correspondance entre sa classe et la mienne) parce qu' il refuse d'obéir en conscience à une directive qu'il juge inique.

Le pire dans cette histoire c'est qu'il n'a fait aucune faute, ni administrative, encore moins pédagogique. Il est simplement sincère avec lui-même et avec les autorités dont il dépend.

    Je pense qu'il devrait au contraire être félicité pour sa détermination et l'analyse fine qu'il a pu vous expliquer par écrit. Je ne vais pas reprendre tous les arguments qu'il a pu vous exposer mais il y en a un qui retient particulièrement mon attention car j'ai, comme lui et  comme beaucoup d'autres maîtres et maîtresses, eu ces relations  avec les enfants qui a fait et fait encore notre quotidien. Ce qu'il veut peut-être vous dire, est que cette relation est sans doute sacrée. Ce  terme pour moi, n'est pas religieux mais concret. Cela ne peut se mettre en fiche, être catalogué, être évalué, mis en statistique. Il y a là quelque chose qu'on ne peut perturber par quelque directive venant de quelqu' autorité. Il existe entre le maître et l'élève une relation qu'ils sont seuls à construire. S'il n'y avait que les apprentissages comme vecteur relationnel, cela irait tout seul. Malheureusement, de plus en plus cette relation maître/élève est subordonnée à l'attente des parents parfois, mais de plus en plus à celle de l'administration. Une construction sereine et fructueuse de cette relation est alors, sinon impossible tout du moins réduite à sa plus simple expression: J'enseigne, tu apprends. Plus de disponibilité pour chercher pourquoi un tel travaille mal en ce moment, pourquoi un autre semble absent, pourquoi le maître ne se rend plus compte qu'il ne vit plus avec ses élèves. Je fais mon boulot, il fait le sien de régurgiteur de savoirs. Tant pis si ça dérape. J'ai bien peur que c'est vers ce genre de comportement minimal que petit à petit les enseignants sont conduits en ce moment.

Lui, il l'explique de cette façon:

"Les enfants ne sont pas des citoyens et nont pas le statut juridique pour rendre des comptes à la collectivité. Préserver un monde de lenfance à lécart de la société des adultes me paraît fondamental."

    Ce métier est difficile mais tellement exaltant, vous diront beaucoup d'enseignants, mais de grâce ne venons pas en rajouter.

Jean Yves Le Gall est déterminé car il sait qu'il a raison au plus profond de lui. Il ne vous convaincra pas mais sans doute vous non plus n'arriverez pas à lui faire comprendre le cadre dans lequel vous vous situez. La sanction tombera; ou ne tombera pas si en conscience vous avez avec vos administrés construit une relation particulière de compréhension et de tolérance.

PS: la lettre était signée mais comme je n'ai pas contacté cette personne...

PS2: 2219 : c'est le nombre d'instits désobéisseurs en France